jeudi 15 janvier 2015

Des « gestes mentaux » pour apprendre



Apprendre est une activité mentale qui n’appartient qu’à celui qui apprend. Encore faut il « savoir apprendre », et pour cela prendre conscience des gestes mentaux à l’oeuvre dans l’apprentissage. 

La gestion mentale, mise au point par Antoine de La Garanderie, nous donne à cet égard d’utiles points de repère.


Grâce à son long travail d’entretiens et d’observations de personnes en situation d’apprentissage – qu’elles soient en difficulté ou « brillants sujets », enfants ou plus âgées – A. de La Garanderie identifie cinq gestes mentaux fondamentaux, à l’oeuvre dans l’acte d’apprendre:

– l’attention
– la mémorisation
– la compréhension
– la réflexion
– l’imagination créatrice


En premier, vient l’évocation.
Les gestes mentaux « tourneraient à vide » s’ils n’étaient pas alimentés par les représentations mentales de celui qui apprend, autrement dit par les évocations qu’il se forge à propos de ce qu’il lit, écoute, fait etc… « La vie mentale commence quand on transforme le perçu en évoqué » écrit il. « Tous les gestes mentaux sont de nature évocatrice« , c’est à dire que ce sont des représentations autonomes par rapport à la perception qui les a fait naître. Pour bien apprendre, une première étape est donc de prendre conscience de la manière dont j’évoque: en voyant dans ma tête? en me redisant ce que j’ai compris? en réentendant les explications? en faisant appel à mon ressenti? Pour une explication plus approfondie le l’évocation, voir le schéma sur le site http://www.educreuse23.ac-limoges.fr.


Deuxième élément fondamental pour l’apprentissage: le projet. Il n’y a pas d’évocation sans projet d’évoquer. Il n’y a pas d’attention, de mémorisation, ou d’autre geste mental, sans projet spécifique à ce geste. « Le projet est essentiel à la vie mentale ».

Ainsi pour l’attention. Il n’est pas très utile de dire – à un enfant par exemple- « fais attention! », « concentre toi »…L’enfant se tend (ce qui, on l’a vu, est très mauvais pour apprendre), mais cela ne lui dit pas comment faire. Il est bien plus utile de lui dire « regarde (ou écoute) avec le projet de faire exister dans ta tête ».


De même pour la mémorisation: ce geste mental ne s’effectue pas du présent (je dois me souvenir) vers le passé (de ce que j’ai vu ou entendu), mais du présent (je fais le projet de mémoriser l’information que je vais percevoir) vers l’avenir (pour la rendre disponible le moment venu). Le geste mental de mémorisation s’effectue au moment où l’on perçoit l’information, « en se plaçant dans la ou les situation(s) d’avenir où on aura à l’utiliser ». La mémoire, c’est un projet d’avenir…


A. de La Garanderie décompose ainsi le geste de compréhension: « Comprendre, c’est d’abord évoquer ce qu’on perçoit: un texte qu’on lit, un discours que l’on écoute… C’est ensuite réexprimer à sa manière ce qu’on a perçu et le traduire dans son propre langage mental, pour permettre à l’intuition de sens de naitre. C’est enfin confronter cette traduction à l’objet de perception ».


La réflexion implique de « faire un retour sur ses acquis (connaissances, règles, expériences) afin de les utiliser pour résoudre un problème, ou répondre à une question. Elle implique de se donner des images mentales du problème à résoudre, suffisamment précises « pour pouvoir « convoquer dans sa tête » toutes les évocations issues de sa propre expérience qui vont être utiles ».


Combien de pédagogues ont ainsi constatés que bien « qu’ayant compris », bien que « sachant la règle », l’enfant, l’étudiant ou l’adulte en formation ne l’appliquait pas le moment venu! C’est que de la compréhension à l’application, de la compréhension à la restitution, il y a cette étape clé, ce « projet de réflexion » indispensable à la mobilisation de la connaissance.


Face à une difficulté d’apprentissage, c’est donc chaque étape du projet qu’il faut passer en revue avec l’apprenant pour diagnostiquer « le blocage ». Je me souviens ainsi de cette institutrice qui me disait de mon fils aîné, alors âgé de 5 ans, « qu’il n’apprenait pas ses poésies ». L’enfant les apprenait, avec pour projet.. de me les réciter le soir! Une fois « maman contente », son projet s’arrêtait là, et il restait muet en classe!


Le geste mental d’imagination créatrice nous permet d’exprimer notre créativité, de projeter une autre réalité que celle que nous percevons. Comme pour le geste de mémorisation, ce geste s’accomplit du présent vers le futur: « c’est au moment de la perception que s’acccomplit le geste mental qui déclenche l’imagination ». 

Je ne peux accomplir ce geste mental d’imagination créatrice que si j’ai le projet mental de « m’investir personnellement dans ce que je perçois », « à la première personne », pour ensuite me donner la liberté de transformer les images issues de ma perception. 

A. de la Garanderie compare ainsi deux personnes qui visitent un appartement: l’un reste totalement extérieur à la réalité perçue, l’autre s’implique totalement (« je verrai bien une très grande pièce à vivre si l’on abattait cette cloison »…) et s’autorise ainsi à ne pas se figer dans la reproduction du perçu.


Ce n’est ici qu’un aperçu des travaux de La Garanderie, dont le regard est avant tout un regard d’espoir sur tout être humain: il n’y a jamais de fatalité dans l’échec. Travailler sur ses propres gestes mentaux, c’est véritablement se réapproprier sa propre intelligence, découvrir que l’on est maître de ses gestes mentaux, et par là même atteindre une forme de liberté personnelle. Aider autrui à entraîner ses gestes mentaux, c’est l’accompagner vers la prise de conscience de l’étendue insoupçonnée de ses capacités mentales.


Pour aller plus loin, il est possible de consulter quelques sites internets: un bon article de wikipedia, des sites spécialisés, comme par exemple http://www.ifgm.org 

Voir aussi le témoignage et la sélection de liens sur http://pratic.canalblog.com


Il est bien sûr vivement conseillé de lire les ouvrages d’A. de la Garanderie.

Les citations reprises sur ce billet sont empruntées à un ouvrage qu’il a co-écrit avec Daniel Arquié, « Réussir ça s’apprend » (Bayard Editions), essentiellement destiné aux parents. Citons aussi « On peut tous toujours réussir » (Bayard), « Les profils pédagogiques » (Bayard), « Apprendre sans peur » (Chronique sociale). 
Pour ceux qui se préoccupent d’accompagner des personnes qui apprennent, je recommande chaudement le livre de Marie-Françoise Chesnais, « Vers l’autonomie, l’accompagnement dans les apprentissages », chez Hachette Education.

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